Un rituel pour stimuler les sens
Guidée par son expérience thermale au Nordik Spa-Nature de Chelsea, l’artiste florale Leah Gibson compose un bouquet spontané sur place.
Texte et photos – Catherine Bernier
En partenariat avec BESIDE
6h45, au cœur du village d’Old Chelsea. Le soleil se hisse sur les montagnes surplombant les infrastructures du Nordik Spa-Nature — le plus grand spa en Amérique du Nord —, où je rejoins Leah Gibson.
Des brins de lumière automnale illuminent le doux visage de l’artiste florale qui, ce matin, a troqué sa terre en campagne ontarienne pour un jardin où les contrastes thermiques prédominent. Je la suis alors qu’elle apprivoise les lieux, animée par le bruit de l’eau en mouvement dans les bains extérieurs et le sillon d’odeurs florales des plantes vivaces indigènes. «Une recette parfaite pour l’inspiration et la relaxation», dit l’artiste.
Dans la chaudière qu’elle a apportée, il y a des géraniums et des alliums provenant de son jardin, ainsi que de l’eucalyptus argenté trouvé chez un producteur local. Ces trois espèces constitueront la base du bouquet qu’elle concevra sur place.
Ravie d’avoir carte blanche pour ses futures trouvailles végétales, Leah s’anime devant la proximité du boisé et des platebandes de fleurs saisonnières qui habillent le pourtour des installations. L’horticultrice est reconnue pour ses arrangements intuitifs — et parfois comestibles! —, composés de végétaux et de champignons, qui rappellent les paysages sauvages.
Le temps d’une journée, le Nordik Spa-Nature deviendra son laboratoire sensoriel; je verrai comment la créativité d’une artiste peut être stimulée par la proximité de la nature et l’expérience de la thermothérapie.
La beauté des contrastes
Leah est d’abord invitée à expérimenter les bienfaits du cycle thermal, lors duquel on alterne entre le chaud et le froid, avant de prendre un temps de repos — un rituel de détente issu d’une tradition vieille de 2 000 ans, bien ancrée dans les pays nordiques.
Les effets de la thermothérapie sur la santé physique et psychologique sont à la fois immédiats et durables; des recherches ont démontré qu’une pratique régulière favorise un meilleur sommeil, stimule le système immunitaire, améliore la circulation sanguine, tonifie la peau, et favorise l’assimilation et la digestion des aliments.
Des médecins recommandent même la thermothérapie à leurs patient·e·s accidenté·e·s ou atteint·e·s de douleurs chroniques, de rhumatismes ou d’arthrite, car elle accélère la guérison. Elle serait aussi une alliée efficace dans la lutte contre la dépression légère, améliorant la mémoire et la vivacité d’esprit, et évacuant le stress et les tensions. En somme, c’est une pratique idéale pour que Leah se régénère après un été rempli de récoltes au jardin et d’arrangements floraux pour des évènements.
L’artiste poursuit son parcours avec un rituel Aufguss donné par Bethany, un artisan des rituels. Tirant son origine d’une pratique allemande ancienne, ce dernier a pour but de maximiser les bienfaits de la thermothérapie en l’accompagnant d’une série de mouvements.
Les arômes, l’atmosphère, la durée, l’intensité, la musique et la chorégraphie peuvent varier considérablement d’un rituel à l’autre. Si les mouvements de serviettes sont préconisés pour intensifier la chaleur, ceux que l’on exécute avec des branches de bouleaux plongées dans l’eau froide peuvent la soulager. C’est d’ailleurs la particularité du rituel Aufguss Arboreal offert au Nordik Spa-Nature: le fait qu’il s’inspire de la forêt boréale canadienne.
«Expérimenter le chaud et le froid lors du rituel Aufguss Arboreal m’a rappelé mon travail avec les fleurs, qui implique de s’abandonner aux extrêmes: de l’intensité du labeur au jardin l’été à l’arrivée du gel qui met fin aux récoltes, et signale qu’on doit ralentir. Il faut accepter l’existence des deux pôles; la bouffée d’air frais viendra toujours après la chaleur (comme quand Bethany a ouvert la porte du sauna à la fin du rituel).»
Jouer avec les éléments de la nature
Revigorée, Leah marche sur le site, où elle se laisse imprégner par les matériaux biophiles, tels que la pierre et le bois, qu’elle n’hésite pas à tâter au passage. Elle s’inspire aussi des teintes crème et des bleus qui règnent sur place. Ciseaux à la main, elle récolte des échinacées et des graminées à même les platebandes qui ornent les bains, ainsi que des branches de genévrier repérées dans le boisé du spa. Un rappel des huiles essentielles de conifères ligneux et d’échinacée utilisées par Bethany dans le rituel Arboreal.
D’un geste confiant, Leah dépose les tiges asymétriques sur une table. «J’ai opté pour une palette de couleurs douce et des textures contrastantes pour faire écho à l’environnement du spa: la couleur pêche de l’échinacée, le blanc des éclats de fleurons de l’allium, les verts doux et argentés du feuillage de l’eucalyptus, l’effet visuel plus robuste du genévrier, avec ses baies sphériques bleu froid, et la douceur flottante des Karl Foersters.»
Rapidement, ces spécimens distincts se mettent à cohabiter sous les mains agiles de l’artiste. Une juxtaposition d’une grande beauté, enjolivée d’un ruban de soie teint à partir de plantes. Au sol, des bouts de tiges et de feuilles reposent dans un chaos qui évoque l’utilisation des branches de bouleaux lors du rituel Arboreal. «Un désordre nécessaire, que je me permets durant la composition de mes arrangements floraux ou lorsque je travaille dans le jardin.»
Leah termine en plongeant son arrangement floral (ainsi qu’elle-même) dans un bain en forme d’aquarium. Instinctivement, elle fait danser le bouquet sous un ballet de lumières, qui dorent les pétales vivifiés par le froid. Une expérience particulièrement enivrante, qui rappelle que de jouer avec les éléments de la nature — leurs contrastes comme leurs alliances — est une manière saine d’apaiser et de stimuler ses sens.
Avant de repartir, je demande à Leah de nous parler de son approche intuitive et de ses rituels quotidiens pour prendre soin d’elle.
Tu as mentionné que l’eau et les fleurs étaient tes éléments naturels préférés à jumeler. Pourquoi? Comment cela se traduit-il dans ta pratique?
Nous sommes composé·e·s d’eau à plus de 50%. Les fleurs ont besoin d’eau pour pousser et prospérer. À mon sens, c’est une connexion très naturelle. Arroser mes jardins est un rituel thérapeutique, et le fait de disposer des fleurs à côté de l’eau me semble boucler la boucle. J’aime la sensation instable, presque chaotique, des vagues sur un lac combinée à la douceur des fleurs, ou le bruit d’une cascade printanière martelant les pétales.
Quelle importance accordes-tu aux sens dans tes conceptions intuitives?
Mon objectif est de concevoir une expérience qui combine les sens, au-delà d’un simple bouquet. Je souhaite encourager les gens à penser à la nature d’une manière très intentionnelle. Par exemple, je joue avec les combinaisons de couleurs, l’espace négatif, les éléments inattendus et l’asymétrie pour imiter la croissance naturelle des végétaux dans un paysage. La texture, aussi, est importante.
J’aime incorporer des fleurs, des fruits et des champignons comestibles dans mes œuvres. L’intersection de l’esthétisme et du gout est à la fois utilitaire et amusante. Je pense que cela peut améliorer l’expérience des gens, les rendre plus sensibles à la beauté des choses banales. Peut-être que la prochaine fois qu’ils achèteront une poire au marché, ils penseront à une nature morte, ou encore au centre de table floral à côté duquel ils étaient assis lors d’un évènement.
Les temps d’arrêt pour cultiver la créativité et le bienêtre font-ils partie de tes rituels personnels?
Absolument. L’hiver demeure un moment privilégié pour s’ancrer, apprendre et planifier la saison à venir, tandis que l’été est souvent frénétique, rempli de projets. Je pense qu’il est important, surtout lorsque l’on travaille dans un domaine créatif, de consacrer du temps à son bienêtre afin de pouvoir créer à partir d’un espace d’inspiration plutôt que d’épuisement. Enfin, pour moi, les temps d’arrêt consistent à donner la priorité à mon horaire de sommeil, à dire non aux choses qui ne m’interpellent pas, à créer quelque chose rien que pour moi, à m’étirer, à bouger et à nager régulièrement.
Catherine Bernier est directrice de création, rédactrice et photographe indépendante, ainsi que cofondatrice du logis de bord de mer The Parcelles, destiné à accueillir des artistes en résidence en Nouvelle-Écosse. L’influence de la nature et de la culture sur les trajectoires humaines demeure au cœur de ses intérêts.
Niché dans le pittoresque village d’Old Chelsea en Outaouais, aux abords du parc de la Gatineau, Nordik Spa-Nature est le plus grand spa en Amérique du Nord.
Ouvert en 2005, l’établissement propose une expérience multisensorielle dans un décor naturel et enveloppant, et ce, dans le but de contribuer à la santé et au mieux-être de ses invité·e·s. Axé sur la pratique de la thermothérapie, il comprend notamment dix bains extérieurs, neuf saunas, une piscine panoramique, un bassin flottant d’eau salée et de multiples aires de détente.